De vagues réminiscences de la fête de Noël s’offrent à moi avant que nous habitions à Sabatin. J’ai dû croire au père Noël pendant quelques temps, mais à partir de six ou sept ans me semble-t-il je feignais cette croyance pour satisfaire mes parents qui me parlaient de ce personnage mythique. De plus devant mon petit frère Gérard, il était de mon devoir de grand de lui laisser ses illusions. Malgré tout j’en gardais toute la poésie que j’étais content de développer avec tous les rituels afférents à cette jolie fête enfantine.
On disait qu'il se déplaçait en traineau tiré par des rennes, de ville en ville et de maison en maison. Pour pénétrer dans les maisons il devait passer par la cheminée ce qui devait être difficile chez nous puisque notre cheminées était bouchée par le tuyau de la cuisinière.
Quelques jours avant, alors que nous venions de commencer nos vacances, nous nous procurions un petit sapin. Je le désirais le plus grand possible, mais mes parents optais pour un moyen. Je ne me souviens plus s’il était acheté ou récupéré dans un bois avoisinant notre maison. Nous l’installions dans la salle commune et nous le remplissions avec des décorations achetées dans le bazar, « tout à un francs », situé au centre-ville. Ma mère me demandait de ne pas trop acheter de guirlandes ou de boules car elles étaient assez cher. L’illumination s’effectuait avec de petites bougies naturelles comme celles qu’on utilise encore pour les anniversaires, enchâssées dans des pinces métalliques qu’on accrochait aux diverses branches du sapin. On devait veiller à ce que la mèche n’entre en contact avec aucune autre branche supérieure ou aucune épine pour éviter tout incendie. J’aimais décorer le sapin selon mon goût. On entourait son pied de papier rocher froissé pour imiter le sommet d’une montagne.
Au cours de la veillée de Noël que nous passions souvent en famille, on mangeait une délicieuse bûche préparée par mon père, une mandarine pleine de pépins dont nous mettions les pelures sur la plaque rougie de la cuisinière. Une merveilleuse odeur exotique s’en dégageait.
Peu avant minuit, nous allions nous coucher en laissant dans une assiette à dessert une portion de cette bûche pour le père noël. Nous racontions toute cette histoire à mon frère Gérard.
Après avoir été dans la chambre pour dormir, le temps laissé à mes parents de déposer les cadeaux sur nos pantoufles laissées au pied de la crèche, ils venaient nous chercher en disant que le père noël était passé par la cheminée et était rapidement parti par la fenêtre pour ne pas être vu. Mon frère regardait à travers les carreaux qui étaient parfois gelés pour essayer de remarquer quelques traces de son passage.
Lorsque je fus plus âgé, un petit train électrique et un mécano firent mon bonheur et je jouais souvent avec pendant mes moments de loisirs.
Une autre année j'eus un mécano.
Je devais avoir 11 ou 12 ans lorsque nous passâmes Noël dans la famille Latta à La lainière de Thizy, un centre d’apprentissage pour filles me semble-t-il où Alice était devenue concierge. Tout le monde s’afférait aux préparatifs du réveillon. Je regardais campé contre le rebord intérieur d’une fenêtre les mains derrière le dos posées sur le bois du rebord. Je portais des bottes toutes mouillées puisqu’on venait de jouer dehors dans la neige. Lorsque je sentis tout à coup des picotements intenses et douloureux dans les mains, puis dans les bras qui me sont remontés tout au long de la colonne vertébrale. Je me dégageais de la fenêtre en hurlant. Tout le monde se demandait ce qui m’arrivait. On me regarda étonnés. Mes parents s’approchèrent de moi. Mon bras droit était paralysé et j’étais encore sous le coup de cette sensation effrayante dans mon cou. Quelqu’un s’approcha de la fenêtre et découvrit sous le rebord inférieur un fil électrique dénudé par endroits. Je venais de prendre une forte décharge électrique dans mes membres et j’avais senti le trajet du courant jusqu’à la base de ma nuque. La tension du courant était de 110 volts, tension qui avait pour effet pour celui qui prenait « le jus » de rester coller au fil et de ne pas pouvoir s’en défaire. C’est une des raisons pour laquelle EDF changea le voltage de ses lignes domestiques en 220volts. J’eus beaucoup de chance de pouvoir me dégager. Petit à petit mon bras repris sa mobilité normale, je retrouvais mes esprits. On essaya de me rassurer du mieux possible.
Il faut dire qu’à cette époque, une semaine plus tard, la nuit du 31 Décembre, passait la père Janvier qui apportait aussi un cadeau.
Mais cet épisode m’avait traumatisé et j’ai gardé pendant longtemps la hantise de me faire électrocuter. A tel point que j’avais peur de me rendre seul à l’école imaginant que cette sensation désagréable pouvait m’envahir à nouveau. Aussi, à la rentrée de Janvier mon père m’accompagnât-il pour me rassurer. Sur le trajet, au moment où je marchais sur une plaque d’égout en fonte, la fermeture de mon cartable que je portais à la main en le balançant au rythme de mon pas, heurta le pli intérieur de mon genou ce qui produisit dans ma jambe des fourmillements identiques à ceux que j’avais subit précédemment. Je me mis d’un seul coup à hurler et à sauter. Je criais « il y a de l’électricité ». Mon père essaya difficilement de me rassurer en montant lui-même sur la plaque d’égout et en essayant calmement de me faire passer à nouveau dessus pour me prouver qu’il n’y avait pas de courant. En fait le choc de mon cartable avait engendré une décharge électrique tout à fait naturelle dans le nerf sciatique. Il était évident que je ne pouvais que faire l’association entre cet incident et la présence d’électricité sur la plaque de fonte puisque je savais que l’électricité état conduite par des fils de métal.
Plus tard, lorsque mes parents furent plus aisés dans leur finance, on pu acheter les sujets d’une belle crèche que nous disposions dans une grotte formée par concavité avec le papier rocher incurvé. On déposait Marie, Joseph, le bœuf, l’âne et un petit mouton.
Ensuite nous ouvrions nos cadeaux avec le frémissement impatient de découvrir la surprise car nous ne soupçonnions pas du tout la nature de ce que nous avait apporté le père Noël.
Je fus déçu une année, sans le laisser paraître pour ne pas chagriner mes parents. J’avais eu un jokari. Un jeu de balle en mousse accrochée par un long élastique à un plot en bois et qu’on frappait avec une raquette.
Une autre année, un jeu de croquet.